Dans l’Atelier Bovary / vieille page retrouvée

J’ai longtemps ignoré les œuvres de Flaubert.

Ce ne fut pas faute de rencontres. Dans ce temps là, j’étais en mon adolescence, et les livres me semblaient bien trop épais certains jours. En particulier les « classiques », ces grands monuments terrifiants. D’autres demeuraient des échappées belles, les jours de grand beau temps : ils se faisaient volontiers aux promenades imprévues, discrets et toujours attentionnés dans la rêverie.

Je me souviens d’une dictée : un léger nuage de craie flottait dans l’air, une casquette informe y surnageait, en dépit de traîtres accords à décrypter. Immanquablement, Charbovari fit charivari parmi nous, quoique épelé méticuleusement.

Voilà plus de dix ans aujourd’hui, j’ai choisi de tenir la craie à mon tour, j’enseigne le peu que je sais, dans une petite ville de province. De modernes comices agricoles y effacent peu à peu les traces des humanistes qui la fréquentèrent jadis. Le progrès a su rester irrévocable.

Je me souviens d’un autre été  : dans un trou de verdure où chantait un ruisseau, parmi les derniers alpages, les phrases de Madame Bovary m’étourdirent. Ce fut comme une apparition sous les monts tutélaires. Flaubert quitta le camp des caciques et rejoignit le cercle des compagnons de bonne fortune ; ensemble ils entonnèrent un opéra fabuleux. J’eus la sensation fugace d’entendre en lointain écho leur chœur immémorial.

Je quête les harmoniques du chant, mais on doute parfois la nuit, quand on transcrit.

Ombre, je veux saluer ici ta beauté.


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