on a beau ouvrir les yeux
c’est nuit encore et toujours
on sait pourtant où est l’aube
mais rien
les ciels blancs seuls – et l’averse
froide et désespérée
il faut pourtant aller
où les pas portent
delà les heures
qui font les jours sans lumière
quoi reste
brumes et fumées
puis tout entre
au disparaître
Archives d’Auteur: Jean-Yves Fick
en allées_43
en allées_42
ici où la voix sonne
nue et sourde mais vraie
d’être de si peu
presque rien ou même rien
ici est un lieu déjà
vide de soi
et la nuit comme_une ombre
gravite toute autour
un peu de brume monte
des affluents et du fleuve
un héron crie loin
on sait au froid qui monte
et l’absence et les heures
il est temps de partir
en allées_41
on tombe sans un cri
comme on rêve une eau vide
terne où cela s’enroche
et craque et s’effondreet disparaît
on sait les nuits sans ciels
où disparaître
et la neige
et le gel
la voix nue s’amuït
trop pauvre d’être
sans chant ni souffle
quand le seul dire
échoue et renonce
au mouvement des cimes
en allées_40
ces ombres de toujours
devant soi à rejoindre
et longues comme là
le devenir
une image floue
et cela persiste
en dépit des lumières
vives comme feux follets
la couleur des formes
se mêle et brûle
mais de quel étrange
silence
on respire encore
on va continuer
en allées_39
la neige après l’aube
une ombre et trouble et
claire d’être
devant soi ce mouvant
cela brille et cela tombe
voile le regard
à même le silence
qui suit
les grands vents sur le monde
passent le chemin perdu
dans les coupes
la forêt invente
des formes étranges
tout au long des ruisseaux
en allées_38
le cri soudain haut
dans les branches
–un oiseau de proie
et plus loin encore
le faucon dessus le pré
et les hautes eaux proches
bruissent sous les branches
à nu parmi le vent
ça et là quelques voix
on dirait des paroles
seules parmi le monde
le gel d’avant la nuit
permet que l’instant soit
retour au seul silence
en allées_37
ici où rien n’existe
le temps joue en sourdine
inaudible dans sa nuit
un ciel opaque
la terre rase et terne
demeure sans une ombre
et la lumière manque
ici dans l’heure immobile
on a beau lever les yeux
on ne voit plus
pas même de loin en loin
ni la forge des aubes
ni la forme des nuages
ô les sans limites
en allées_36
le vent froid et l’hiver
comme un seul bloc soudain
brisé en éclats de verre
cinglent le visage
de qui va à l’obscure
forme mouvante du temps
on ne relève plus rien
sinon la voix éraillée
pour peu que le soir
continue sur la faille
il sera bien assez tôt
temps de chercher plus avant
en soi
la nuit en soi à rejoindre
en allée_35
une brume sous les yeux
et le geste premier humble
— attendre que la nuit cède
et s’en aille devant l’aube
— il n’y a pas de rêve autre
que le jour — et ce rien même
à son renaître
laisse à son chemin un sable
il semble que l’on s’éloigne
d’un pas l’autre vers l’ailleurs
et l’encre et la toile disent
les arbres sur la falaise
la roche nue qui s’éboule
et le torrent sur les pierres
— la neige tombe en silence
en_allées 34
on va plus proche de soi
ici sans même un regard
sur le fleuve et ses méandres
on sait pourtant reconnaître
au seul dehors blanc et terne
et la rive et son absence
sur le seuil une ombre froide
forge une vie sans sommeilla forme vide sans sommeil
on a pour hôte cela
le geste des statues claires
que les gels peu à peu brisent
et renvoient au sable — tout
dire et sculpter — juste là
revenir au seul silence