Archives de Catégorie: [Arbor] comme avancer loin aveuglé

sans filet 65 ( XII [+I] )

Un vent sec violent
se lève qui dissipe tout
de ce peu de douceur

à perdre même le sens

de ce qu’il escomptait
trouver peut-être loin
dans la forme d’une pierre

s’il en fut jamais un

la fantaisie d’une ombre
un repli dans le sable
qui pourraient abriter

de la forme silence

et nier le hasard
cette partie de lui            [quelque chose de lui]
qui serait revenir

où il ne sait qu’aller

non que le retour soit
chose chère parmi
le possible tout l’espace devant

même désert le monde

mais il ne se peut pas
qu’en lui n’existe plus
la trace de ce songe

avancer sous des arbres

ici reste désert
où ne bruissent que sables
il lui faut repartir

absents le mène à l’Océan.


Pour mise en espace voix / harpe prop. 1

Réduction de la série  originale pour mise en musique et en voix  (le lien ouvre un .pdf)

réécriture pour jeu sur scène.

[Prélude]

Il s’était avancé loin
bien trop derrière le rideau
mouvant de l’orée verte

qui n’était plus

un songe noir où l’œil aveuglé d’ombre
sombre neuf dans le voir autre
ce qu’il avait franchi

quand le découvrirait-on?

[Inventions I]

Les jambes et le souffle ploient
il est pris comme d’un vertige
fermer les yeux pour s’apaiser

ce que l’on retrouve de soi

chancelle l’horizon absent
les grilles de branchages ferment
toutes les paroles frivoles

closes les phrases qui bruissaient
sans cesser au fond d’être vaines

il cherche le faire silence
il se reprend advient l’écart
un pas de côté l’autre emporte

les repères s’effacent il sent
passer frissons sous la peau l’aguet alarmé
d’un animal invisible
on est fourvoyé dans le proche.

***

Il foule terres alluviales
où coulent indécis les ormes et les frênes
et s’élèvent plumes les flèches du roseau

des eaux froides sourdent claires dans l’ombre
viennent danser là grilles de paroles
reflets les mouvements hauts que soufflent les branches

la surface scintille lisse
viennent y boire sans un trouble
les ailes bleues de l’éphémère

il y voit même passer lointaines les Hyades.

***

Les saisons avaient effacé les sentes
qui s’y hasarde s’y égare pour longtemps
les rivières claires inondent les ombres

des murs dans les arbres flottent mouvants
profuse est leur trame de branches et de lierres
l’horizon manque au voyageur épuisé

lassé par la forêt qui enserre sa route
des chemins cherchés des chemins perdus
ses pas le portent sans défiance aux sortilèges

il est et n’est plus de ce monde
les bêtes qu’il croise ne le fuient pas
il entre tout entier dans le règne et l’ouvert.

***

Tout était silence éteint alentour
il avait fléchi lui aussi
sans y consentir jamais

il plongeait dans le noir du sommeil
auprès des racines torses
de l’immense hêtre rouge

qui l’avait planté là quelle main ignorée
l’arbre avait poussé haut et droit parmi la friche
écart invisible son ornement

vagabonds deux souffles en paix dormaient
ou la mémoire ou l’oubli
ou la mort ou la vie.

***

[un temps]

La nuit noire et froide du monde
il reposait dormeur parmi l’obscur en lui
premier sommeil sans images ni rien

[ un temps]

[Rêve]

La forêt éveille des voies
les ponts s’y effondrent mais continuent les routes
ici s’élèvent des bastides imprenables

que tiennent closes les pupilles
un gardien dans la forêt veille
les moindres créatures qui passent

nulle qui n’entre dans sa vie
variée pleine et profuse
ne quitte jamais tout à fait sa sphère

dans les eaux s’amoncellent les lacs
tout un monde souterrain surgit clair
calme et froid parmi les herbes sèches

des cloches sonnent des brumes se lèvent
les flots durcissent la lumière pleut
les saisons se pavanent en artistes

on voit même qui passent
de fragiles fiancées
sous l’œil attendri d’un monstre repu

il n’est de terreur ni de peur
dont on ne s’éveille jamais
les lisières dissiperont leurs illusions.

***

[Inventions II]

Était-ce l’éveil hâtif sous un toit de branches
ou les chemins perdus longuement dans l’hiver
qui furent d’hier et reviendront demain

la soif féroce en un bond sourd précède
la faim dévorante que rien n’apaise
pas même le quignon de pain qui reste

le jour sans pitié est trop clair
il dessine d’un doigt cruel
à la clairière vide un trône d’arbres chus

et dans l’aube éblouie s’évaporent les rêves.

***

Il lève les yeux les feuillages bruissent
d’ une échancrure s’échappent vers lui
tout le bleu et l’éclat frais d’un jour neuf

il en aimera tous les chatoiements
toutes les images toutes les variations
on entend les chants d’oiseaux hauts perchés

eux qui s’envolent tout auprès de grands nuages.

***

Il lui suffit que ses pas le portent au simple
que son souffle soit
un rythme régulier
la transparence des eaux flue

il n’est plus que cela
une forme fluide du mouvement
il traverse les brumes et les ombres

-les lumières tout autant-
le regard y flotte et rêve les lignes
qui se déposent impromptues

voiles noires et voiles blanches
frimas neiges ou feuilles
l’estuaire est possible au sortir du dédale

qui ou quoi pour l’y attendre apaisé
au lieu inconnu où s’effacent les rivages?

***

Il ressent la nostalgie des retours
lui qui avance au hasard du voyage
il n’est que d’aller où ses pas le portent

il lui semble percevoir au lointain
une rumeur ou un souffle plus ample
un respirer vers quoi coulent toutes les eaux

il est dans les ombres les feuilles et les traits
d’un sous bois il s’ouvre il ne le voit pas
il avance comme aveugle droit devant lui

les courbes tendent vers les droites
les lignes s’inclinent en orbes
il rêve l’univers comme buée de langue

elle bat la mesure en avant de ses yeux
il ne voit pas qu’il approche la sphère
blanche du feu au repli du méandre

il est tout entier au chemin.

***

[Fugue]

Lui l’étranger il flotte sur ce qui le porte
à peine poussière au creux d’une main immense
rien ne lui pèse plus ni la peur ni le froid

il avance aux éclaircies que laisse le feu
son cœur est une île où s’effacent les chemins
dans la lande il nomme les arbres et les plantes

reflets– l’eau d’une source vive passe
ce rien qui s’écoule demeure sur le sable
infini frêle et juste le chant du ruisseau

la lisière puis s’ouvre l’Océan
les arbres sont hauts les futaies sont claires
constellations-des astres s’élèvent du large

il suit la ligne d’une écume très légère
ce qui l’éclaire est contrepoint.

******

[Cartel de présentation:

Les textes présentés dans le cadre de l’exposition « Mystères » constituent une forme réduite, reprise et réécrite pour venir ponctuer la visite.

Ils sont extraits d’une suite plus ample, composée de vingt-quatre poèmes. Leur vocation est d’accompagner en contrepoint les images Noir & Blanc de Christophe Chabot. Le parcours et les échos qui s’établissent entre les deux propositions esthétiques sont une étape vers la réalisation d’un livre commun, qui serait à sa mesure un livre de dialogue. ]


Trois variations continentales / Neuf Pas (sans échardes de langue)

reprises:

 

trois fugues – neuf pas ekphraseis textes repris


Neuf Pas (Ekphraseis)

dans leur ordre, et non plus celui de leur écriture, avant reprises:

ekphraseis et variantes comme avancer loin aveuglé


ekphrasis 7

constance dans la course
l’entre-deux du mouvement
inspirer-expirer

ce rien entre

l’angoisse qui vient
de ce qui se cache
qu’on ne voit pas

mais qui est de terreur
pure condensée
la raison s’ensommeille.


ekphrasis 8

dire ses chemins
cela d’eux qui s’efface
pour qui les arpente

ce qui d’eux reparaît devant
un lever de voile
aux marges  son oblique

les rêts du visible
endiguent la perspective
trop lointaine

arrêt – le songe
juste sous les yeux
net

une frappe sèche l’hiver.


ekphrasis 9 sortir

Labyrinthes le parcours des pas et le jour
Assombri, la voix éraillée erre et s’en va
Briser presque en elle le chant clair, à

Y poursuivre- mais quoi de l’indicible- pour
Revenir, apaisée,  au centre d’où naissent,
Inflexibles et justes,  les lignes qui font

Naître tout l’ailleurs d’elle et du langage;
Thésée s’invente funambule sur un fil
Hachuré, comme l’est désormais son visage,

Et les surfaces mates qui l’emmurent
Se dénouent; il trouve la porte dans  l’énigme.


ekphrasis 6

Nul chemin sans détour
ni rêts enchevêtrés
s’arrêter c’est s’y prendre

s’y perdre à chercher
l’horizon derrière
la porte qui ferme

les murs mouvants
regards d’où perce
la peur d’être proie

de ce qui circule
ici de l’effroyable
qu’on ne voit pas

et qui ça et là apparaît
guette rampe et grimace
où tous les repères s’effacent.


ekphrasis 5

on essarte la friche
pour la récolte
on cherche les grands arbres

la lumière tombe taches
aux rives claires
miroir indifférent le  flot

une sève de larmes
coule noire
parmi les éclats vifs

au sol s’élèvent
les racines nues
arrachées

à  soulever des pierres
ou écorcher un ciel
blanc.


ekphrasis 4

un seuil à passer
regard la surface
où flotte le grain

chemin sous les branches
l’ombre des arbres
rapproche les lignes

la voix une forme en voyage
sa chambre d’écho un  silence.