Réduction de la série originale pour mise en musique et en voix (le lien ouvre un .pdf)
réécriture pour jeu sur scène.
[Prélude]
Il s’était avancé loin
bien trop derrière le rideau
mouvant de l’orée verte
qui n’était plus
un songe noir où l’œil aveuglé d’ombre
sombre neuf dans le voir autre
ce qu’il avait franchi
quand le découvrirait-on?
[Inventions I]
Les jambes et le souffle ploient
il est pris comme d’un vertige
fermer les yeux pour s’apaiser
ce que l’on retrouve de soi
chancelle l’horizon absent
les grilles de branchages ferment
toutes les paroles frivoles
closes les phrases qui bruissaient
sans cesser au fond d’être vaines
il cherche le faire silence
il se reprend advient l’écart
un pas de côté l’autre emporte
les repères s’effacent il sent
passer frissons sous la peau l’aguet alarmé
d’un animal invisible
on est fourvoyé dans le proche.
***
Il foule terres alluviales
où coulent indécis les ormes et les frênes
et s’élèvent plumes les flèches du roseau
des eaux froides sourdent claires dans l’ombre
viennent danser là grilles de paroles
reflets les mouvements hauts que soufflent les branches
la surface scintille lisse
viennent y boire sans un trouble
les ailes bleues de l’éphémère
il y voit même passer lointaines les Hyades.
***
Les saisons avaient effacé les sentes
qui s’y hasarde s’y égare pour longtemps
les rivières claires inondent les ombres
des murs dans les arbres flottent mouvants
profuse est leur trame de branches et de lierres
l’horizon manque au voyageur épuisé
lassé par la forêt qui enserre sa route
des chemins cherchés des chemins perdus
ses pas le portent sans défiance aux sortilèges
il est et n’est plus de ce monde
les bêtes qu’il croise ne le fuient pas
il entre tout entier dans le règne et l’ouvert.
***
Tout était silence éteint alentour
il avait fléchi lui aussi
sans y consentir jamais
il plongeait dans le noir du sommeil
auprès des racines torses
de l’immense hêtre rouge
qui l’avait planté là quelle main ignorée
l’arbre avait poussé haut et droit parmi la friche
écart invisible son ornement
vagabonds deux souffles en paix dormaient
ou la mémoire ou l’oubli
ou la mort ou la vie.
***
[un temps]
La nuit noire et froide du monde
il reposait dormeur parmi l’obscur en lui
premier sommeil sans images ni rien
[ un temps]
[Rêve]
La forêt éveille des voies
les ponts s’y effondrent mais continuent les routes
ici s’élèvent des bastides imprenables
que tiennent closes les pupilles
un gardien dans la forêt veille
les moindres créatures qui passent
nulle qui n’entre dans sa vie
variée pleine et profuse
ne quitte jamais tout à fait sa sphère
dans les eaux s’amoncellent les lacs
tout un monde souterrain surgit clair
calme et froid parmi les herbes sèches
des cloches sonnent des brumes se lèvent
les flots durcissent la lumière pleut
les saisons se pavanent en artistes
on voit même qui passent
de fragiles fiancées
sous l’œil attendri d’un monstre repu
il n’est de terreur ni de peur
dont on ne s’éveille jamais
les lisières dissiperont leurs illusions.
***
[Inventions II]
Était-ce l’éveil hâtif sous un toit de branches
ou les chemins perdus longuement dans l’hiver
qui furent d’hier et reviendront demain
la soif féroce en un bond sourd précède
la faim dévorante que rien n’apaise
pas même le quignon de pain qui reste
le jour sans pitié est trop clair
il dessine d’un doigt cruel
à la clairière vide un trône d’arbres chus
et dans l’aube éblouie s’évaporent les rêves.
***
Il lève les yeux les feuillages bruissent
d’ une échancrure s’échappent vers lui
tout le bleu et l’éclat frais d’un jour neuf
il en aimera tous les chatoiements
toutes les images toutes les variations
on entend les chants d’oiseaux hauts perchés
eux qui s’envolent tout auprès de grands nuages.
***
Il lui suffit que ses pas le portent au simple
que son souffle soit un rythme régulier
la transparence des eaux flue
il n’est plus que cela
une forme fluide du mouvement
il traverse les brumes et les ombres
-les lumières tout autant-
le regard y flotte et rêve les lignes
qui se déposent impromptues
voiles noires et voiles blanches
frimas neiges ou feuilles
l’estuaire est possible au sortir du dédale
qui ou quoi pour l’y attendre apaisé
au lieu inconnu où s’effacent les rivages?
***
Il ressent la nostalgie des retours
lui qui avance au hasard du voyage
il n’est que d’aller où ses pas le portent
il lui semble percevoir au lointain
une rumeur ou un souffle plus ample
un respirer vers quoi coulent toutes les eaux
il est dans les ombres les feuilles et les traits
d’un sous bois il s’ouvre il ne le voit pas
il avance comme aveugle droit devant lui
les courbes tendent vers les droites
les lignes s’inclinent en orbes
il rêve l’univers comme buée de langue
elle bat la mesure en avant de ses yeux
il ne voit pas qu’il approche la sphère
blanche du feu au repli du méandre
il est tout entier au chemin.
***
[Fugue]
Lui l’étranger il flotte sur ce qui le porte
à peine poussière au creux d’une main immense
rien ne lui pèse plus ni la peur ni le froid
il avance aux éclaircies que laisse le feu
son cœur est une île où s’effacent les chemins
dans la lande il nomme les arbres et les plantes
–reflets– l’eau d’une source vive passe
ce rien qui s’écoule demeure sur le sable
infini frêle et juste le chant du ruisseau
la lisière puis s’ouvre l’Océan
les arbres sont hauts les futaies sont claires
–constellations-des astres s’élèvent du large
il suit la ligne d’une écume très légère
ce qui l’éclaire est contrepoint.
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[Cartel de présentation:
Les textes présentés dans le cadre de l’exposition « Mystères » constituent une forme réduite, reprise et réécrite pour venir ponctuer la visite.
Ils sont extraits d’une suite plus ample, composée de vingt-quatre poèmes. Leur vocation est d’accompagner en contrepoint les images Noir & Blanc de Christophe Chabot. Le parcours et les échos qui s’établissent entre les deux propositions esthétiques sont une étape vers la réalisation d’un livre commun, qui serait à sa mesure un livre de dialogue. ]