Archives de Catégorie: Vases Communicants

vases communicants janvier 2016

« Tiers Livre (http://www.tierslivre.net/) et Scriptopolis (http://www.scriptopolis.fr/) sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. »

Pour cette édition de janvier 2016, j’ai la joie d’être accueilli en STYLOBATE par Manoell Bouillet, que j’accueille ici.

Afin de respecter les choix de mise en page, le texte

Mouvements ondes et corpuscules est accessible via un .pdf ou un .odt

Vase communicant-Manoell Bouillet

Vase communicant-Manoell Bouillet


Vase communicant « aux bords des mondes »

Grâce à l’attention et à la patience de Brigitte Célérier, l’ensemble des vases communicants d’avril est recensé ici.

Pour l’édition d’avril, j’ai la joie d’accueillir  Aux Bords des Mondes, d’Isabelle Pariente-Butterlin, qui en retour m’accueille ici. Nos deux textes ont pour point de départ trois variations obtenues en développant  la même image. Depuis janvier, un premier billet puis la série EdKaBdM toujours en cours, explorent les possibles que l’écriture d’Isabelle vient tisser à partir d’un travail de Rauschenberg,  L’Erased De Kooning. A nous lire, et à échanger à partir de nos approches qui se rejoignaient imperceptiblement — peut-être autour de quelque forme fuguée que je ne puis qu’entrapercevoir –, nous avons laissé le dessein  de ce vase communicant se déposer. Comme une très fine neige sur le monde demeurerait  lieu de passage parmi l’éphémère.

Se perdre. S’en aller perdre. Au loin, s’en aller perdre là où le paysage de lui-même s’estompe, s’en aller et se perdre, sans tendre à autre chose, oublier le retour, en effacer la trace en soi, effacer, en soi, la trace de tous les retours qui furent possibles, et nous tendirent. 

Il est possible que la neige. 

À moins que ce ne soit le regard. On ne sait pas. 

Une distance s’est jouée, s’est instaurée, sur laquelle il sera difficile de revenir, au point que le retour s’estompe et qu’il ne joue plus son rôle (tendre, en soi, la corde intérieure, vérifier de la main qu’elle ne rompt pas, tendre encore, et ainsi de suite, vérifier). 

Il est possible que les regards. 

À moins que ce ne soit la suite des pas, on ne saura jamais. Revient-on sur ses pas ? S’en revient-on jamais ?

On s’en revient mais on est un autre. On s’en revient, et quelque chose qu’on se dit pas, même pas à soi-même, en soi s’est brisé.

Se perdre. S’en aller et s’effacer. Se perdre, et s’effacer. Laisser la neige recouvrir les pas ; la laisser effacer les traces, auxquelles on ne tient pas. Il faudra bien un jour cesser de tenir à l’éphémère et cesser d’aiguiser en soi cette souffrance. Il faudra bien laisser toute chose se défaire, quitte à inventer pour elle des adverbes et des adjectifs qu’on ne dira pas, qu’on ne prononcera pas, qu’on n’essaiera même pas de formuler dans son esprit. On entendra seulement le crissement des pas dans la neige et on s’éloignera. 

Traverser le paysage comme on traverse un rêve. Avec la même précision et la même attention. Traverser le paysage comme le point d’insertion traverse la page et laisse derrière la trace de la phrase s’étirant, traversant le silence. 

Je n’ai pas envie de finir d’écrire ces lignes : le geste me tient dans un présent que rien ne vient attaquer ni corrompre. Le geste d’écrire tient dans le présent et le protège de tous les autres temps de l’indicatif. Je n’ai pas envie non plus, du moins je ne voudrais pas, pas plus que je n’ai envie de terminer ces possibles et de les clore d’une contradiction qui terminerait l’arborescence. Je n’ai pas envie de terminer la contemplation de ces images, de refermer les yeux, ou alors je refermerais bien volontiers les paupières, si elles demeuraient sur ma rétine, et si je pouvais les voir dans l’espace intérieur de mes pensées. L’écran de mon ordinateur ouvert a scellé le pacte des possibles. 

Entrer dans le temps et entrer dans le paysage, d’un même geste et d’un même élan, parfois les pas semblent assurés, entrer dans le paysage comme on entre dans l’eau de la mer, en la laissant remonter aux genoux, à mi-cuisse, jusqu’à la taille, comme on s’allonge en elle, allonger le temps, prendre le rythme, se caler sur son pas, même si on est seul. 

Et comme le temps, alors, nous engloutit. 

S’enfoncer dans le paysage comme dans les rêveries et dans les pensées, insensiblement. Il faut que le monde s’estompe pour qu’il soit possible d’y entrer. Se laisser prendre comme dans un rêve éveillé. Il suffit de tenir les yeux ouverts face à l’écran de l’ordinateur, et d’entrer dans le paysage de la rêverie. La transparence absorbe, comme un rêve. Aussi puissamment qu’un rêve. Le monde en viendrait même à s’effacer au point de devenir transparent et supportable. Jusqu’au point de trouver la transparence de lui-même. Le monde s’efface au point de devenir abstrait. Nébulosités s’élevant, se levant, dans des tourbillons lents, de ce que j’ai pensé. 

Elles s’élèvent et troublent la vision et le monde, alors, devient presque supportable.

texte: Isabelle Pariente-Butterlin
photographies: Jean-Yves Fick.

IMGP7248r

IMGP7248r2

IMGP7248br


dans les marges –

[une ébauche, vraiment?]

le vent aura raison
d’élaguer chaque branche

de défaire les lignes
de briser les cristaux

vois comme ici efface
toute forme distincte

dehors il n’y a plus
rien sinon cela

cela qui te parcourt
il semble qu’on remonte

au plus lointain du froid
comme les yeux se ferment

ni ville ni rues ni rien
sinon le seul départ la seule absence

de qui portait le chant
aux rives de la nuit

ne te retourne pas

peut-être n’est-ce que
la forme des silences

ce qu’écoute la neige

le passage au blanc du vent n’est
rien sinon cette ébauche


où brûle le possible
– et les mains saignent de n’étreindre rien –

de cela qui aveugle

et l’image et la voix
ne cessent d’approcher

l’indécise ombre blanche

puis même le vent cesse

on n’entend plus du souffle
que sa plus haute absence.


Vases communicants avec Eric Dubois

François Bon Tiers Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants (au départ cela s’appelait le Grand dérangement, pas peu fier d’avoir trouvé ce titre de vases communicants) : Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

Pour ce mois de mars, Gammalphabets accueille Eric Dubois, et réciproquement.

On met les saisons
dans des boîtes

Qu’on referme
après usage 

On les ouvre
quand le temps le permet 

On met les saisons
dans des boîtes 

Colis fragiles
qu’il faut pourtant ouvrir 

De temps en temps 

Et qu’il faut refermer
soigneusement 

Pétales de rêve
dont l’odeur est tenace 

Au moment de l’ouverture
des boîtes 

Au moment de la fermeture
des boîtes 

Il faut toujours les ouvrir
et les fermer 

Souvenirs conservés
dans un endroit clos 

On met les saisons
dans des boîtes 

Qui ont des bras des jambes
une tête en forme de boîte 

Des boîtes qui nous ressemblent
trait pour trait

Des boîtes que la vie assemble
boîte après boîte 

Des boîtes qui s’ouvrent
et se ferment 

Sourires de l’huître
et de l’arbre 

Dans la circulation
de la sève 

Février 2013,
ERIC DUBOIS.

Eric Dubois est né en 1966 à Paris. Auteur de plusieurs ouvrages de poésie dont  entre autres  L’âme du peintre  ( publié en 2004) ,  Allée de la voûte (2008), Les mains de la lune (2009), Ce que dit un naufrage (2012) aux éditions Encres Vives, Estuaires (2006) aux éditions Hélices ( réédité aux éditions Encres Vives en 2009),  C’est encore l’hiver (2009) , Radiographie,  Mais qui lira le dernier poème ? (2011) sur www.publie.netMais qui lira le dernier poème ?  aux éditions Publie.papier, Entre gouffre et lumière (2010) chez L’Harmattan , Le canal,  Récurrences (2004) , Acrylic blues (2002) aux éditions Le Manuscrit. Participation à de nombreuses revues.  Textes inédits dans les anthologies  Et si le rouge n ‘existait pas ( Editions Le Temps des Cerises, 2010) et Nous, la multitude ( Editions Le Temps des Cerises, 2011), Pour Haĩti ( Editions Desnel, 2010) , Poètes pour Haĩti (L’Harmattan, 2011), Les 807, saison 2 ( Publie.net, 2012), Dans le ventre des femmes ( Bsc Publishing, 2012) … Responsable de la revue de poésie en ligne « Le Capital des Mots ». Blogueur : « Les tribulations d’Eric Dubois ». Chroniqueur dans l’émission « Le lire et le dire » sur Fréquence Paris Plurielle (106.3 fm Paris) depuis 2010.

http://ericdubois.net

http://ericdubois.info

http://le-capital-des-mots.fr


vase communicant

Jean-Marc Undriener — déboité

(extraits d’un travail sur le texte et son devenir pendant qu’il s’écrit)

Pour ces vases communicants de février, Jean-Marc Undriener et moi-même avons laissé le geste d’écrire se former au partir des images de l’autre; très vite, une autre contrainte s’est imposée à nous comme évidente, conserver au mieux les différentes étapes du travail.
Ainsi, le texte de Jean-Marc donne à lire les cinq versions qui lui ont permis d’aboutir à une forme « provisoirement définitive » — « des boîtes de mots et quoi / (…) // — comme archivé » dont le passage, à tout prendre, serait aussi  » ce temps / de vie ce temps à vivre plus à vivre ».

déboité_1

déboîté_ex1

déboité_2

déboîté_ex2

texte : Jean-Marc Undriener / photographies : Jean-Yves Fick

pour une lecture plus confortable, l’intégralité du texte (et de ses versions successives) est proposée en téléchargement(format.pdf)  ici.

ma participation aux vases communicants est chez Jean-Marc.


Vase communicant avec Danielle Masson

IMGP6516nbExercice commun au fil de tout le mois de novembre 2012, grâce aux expressions choisies parmi celles livrées chaque matin par Georges Planelles.

Filer doux jusqu’’à l’alpha et l’oméga en tentant de franchir le pot au noir sans la paille et la poutre car nous n’avons pas gardé les cochons ensemble du temps de Mathusalem. Patin couffin…. Parfois nager entre deux eaux sans oser jeter l’éponge ni brûler mes vaisseaux. Ouf ! Tonnerre de Brest.

Merci de cette expérience que je pourrais illustrer grâce à cette photo du 11 septembre 2012

.

.

.Le texte de Danielle est téléchargeable ici, pour une lecture dans sa mise en page originale. Ma contribution aux Vases Communicants de décembre est accueillie ici, sur Jetons l’Encre.

.

Acrostiche I : Filer doux

Faudrait peut-être voir à vous éclaircir la voix.

Impossible de saisir le moindre mot de ce que vous me dîtes.

Les sons sont inaudibles.

Essayer d’ar-ti-cu-ler.

Restez ! Ne me laissez pas seule ! S’il vous plaît…

Décrochez votre téléphone, s’il vous plaît !

Oubliez mes récriminations, s’il vous plaît !

Un simple malentendu.

Xénomane, xénophobe. Je ne sais ce que vous êtes ! Je vous quitte à jamais !

Acrostiche II – L’alpha et l’oméga

La souffrance la plus souffrante à faire surgir

Telle est la consigne donnée.

Allons fouiller dans le passé,

Mais c’est nier les prochaines qui arriveront

Là-bas, ici ou ailleurs

Hier, aujourd’hui, demain, jamais, toujours.

Possible de tourner, virer, chercher

Creuser, plonger, appeler.

Hurler, pleurer

Se taire, s’enfoncer, tuer.

Arriver à hiérarchiser ses propres souffrances

Impossible. Les souvenirs, surtout les malheureux, se sont envolés

Évident, mon cher Watson

Mais, moi, je ne veux pas. Je me rebelle.

Tentative impossible, refus de la revivre, les revivre,

C’était dans un autre temps, oublié, noyé par le chagrin.

Les mots ne viendront pas, se déroberont

Ils oublieront l’agencement des lettres. Ils resteront muets.

Ou alors, finasser avec elle, la souffrance, la douleur.

Elle se rebelle, veut rester cachée au fond de la mémoire.

Mais oui car aller la déterrer, la fera revivre, lui redonnera des forces

Elle doit rester enfouie.

Energie impossible à trouver.

Les bras en tombent. L’esprit est embrumé.

Gagnons du temps.

Une consigne est faite pour être détournée.

À l’abordage ! Refus de se réveiller pour la souffrance

Point final.

Acrostiche III – Le pot au noir

Le phare au milieu des flots

Éclairait terre et mer à la fois.

Pourtant il n’est plus habité

Obscur – éclairé – obscur – éclairé

Terrible constatation

Au siècle dernier

Un homme l’habitait

N’hésitant pas à braver la tempête

Oubliant ses frayeurs

Illuminant l’étendue infinie d’eau

Rêvant d’un sommet enneigé.

Acrostiche IV – La paille et la poutre

Le vendredi ouvre ses yeux

Attention

Prépare ses valises

Attention

Inquiet

Les trains sont souvent en retard

Les avions oublient de décoller

Énervé, même très énervé ce vendredi-là

Énergique aussi

Très envie de dépaysement

Le vendredi est en route

Attention

Pourra-t-il vraiment

Oublier

Une semaine

Trop banale

Rarement cela lui est arrivé

Énervé, il bouscule tout sur son passage.

Acrostiche V – Nous n’avons pas gardé les cochons ensemble

Nous n’avons pas gardé les cochons ensemble !

Osez-vous me dire.

Une telle phrase dans votre bouche…

Sérieusement !!!

Nous avons, certes, seulement regardé le dessous des feuilles !

Ah! Vous ne vous en souvenez pas?

Vous m’offensez !

Oubliez-vous votre veste en cachemire beige

Nonchalamment posée sur mes épaules après

Souvenez-vous !

Pourtant vous étiez charmant

Amoureux, ai-je cru…

Sacripant, même oserais-je ajouter !

Glacée aujourd’hui par votre

Attitude.

Ravagée par votre

Dédain

Énervée, rageuse, tourmentée, furieuse…

Les bonnes choses s’oublient si vite

Écœurée par votre mauvaise foi

Sachez que oui, nous n’avons pas gardé les

Cochons ensemble.

Oublions ces promenades main dans la main !

Ces moments que nous avons partagés

Honte à vous!

Oublions, pardon oubliez-moi.

Nous n’avons jamais visité ces lieux.

Silence !

Énorme ce refus de se souvenir

Navrante votre attitude

Simplement blessante à mon égard

Énorme goujaterie de votre part

Malotru, vous êtes !

Blessée, meurtrie,

La phrase que vous venez de prononcer

Efface à jamais mon souvenir de vous.

Acrostiche VI – Vieux comme Mathusalem

Vivement dimanche !

Impossible de le retenir.

Énervé et comptant les jours…

Un, deux, trois, quatre, cinq…

Xénon s’apprête à partir sur la lune, nous affirme-t-il !

Cet enfant est infernal !

Obsédé par la conquête de l’orange bleue,

Major de la petite section de son école,

Manipulant ses petits camarades

Et souhaitant les entraîner dans son expédition

Mordant le premier qui le contredit,

Abandonnant toute retenue,

Tachant son costume de cosmonaute immaculé

Hurlant « Je veux la lune ! »

Ukase tétanisant tout le monde

Saurons-nous le raisonner ?

Aurons-nous assez de persuasion ?

L’enfant soudain se tut.

« Eh… je ne suis pas fou !

Méchant ! Vous êtes méchant ! Je veux la lune ! »

Acrostiche VII – Patin – couffin

Patati et patata !!!

Allez… arrêtez ces bavardages sans fin.

Tiens ! Cela vous a cloué le bec.

Insolent !

Niez que vous étiez en train de parler de moi !

Comment !

Oseriez-vous me mentir ?

Un subterfuge pour vous défiler.

Filez !

Fieffé coquin vous êtes !

Impertinent !

Niez que vous étiez en train de parler de moi !

Acrostiche VIII– Nager entre deux eaux

N’écoutant que la colère qui monte en elle

Au bout de ses nerfs en pelote

Gardant au fond d’elle

Enfouis au plus profond

Rancœur et regrets

Elle ne sait plus

Non née de la dernière pluie

Tendre sa deuxième joue

Rendre coup pour coup

Étreindre son ultime peine

Déterminée

Extenuée

Ulcérée

Xylocope parfois

Elle décide soudain

A la pointe du jour

Un dernier geste

Xiphoïde

Acrostiche IX– jeter l’éponge

« Jeu de mains

Et de vilains

Tais-toi ! »

Énervé

Regardant par en-dessous

L’homme

Éructant ces mots

Profitant d’une accalmie

Ombrelle jaune à la main

Négligeant sa tenue

Gorge déployée

Élimina son ennemi imaginaire.

Acrostiche X – Brûler ses vaisseaux

Brisant sa parole donnée,

Regardant au lointain,

Un affreux Jojo

Levant l’ancre demain à l’aube

Est décidé à rompre les amarres

Rêvant d’horizon infini.

Sa destinée était écrite

Et devait s’accomplir

Synonyme d’espoir.

Vivant

Amoureux

Iconoclaste

Silencieux

Seul

Et déjà parti là-bas à la Pointe du Raz.

Abrité ses amours défuntes

Ubuesque mieu-

X dantesque.

Acrostiche XI– Tonnerre de Brest

Terrible échéance arrivant à grands pas

Oubli du temps qui passe trop vite

Ne pas regarder en arrière

Ne se régaler que des mots échangés depuis le 27 septembre dernier

Écrire, écrire

Rabâcher, rabat-joie, radoter,

Rafraichir, rager, railler

Écrire encore et encore

Difficile cet

Exercice relevant du défi

Balade au pays d’un drôle de poète

Ravie d’avoir lu en primeur ses mots

Esbaudie de cet honneur

Sacrement fière d’avoir pu échanger

Terrifiée aussi … par cette suite de mots sans queue ni tête … offerte à vos yeux.

Tiers Livre (http://www.tierslivre.net/) et Scriptopolis (http://www.scriptopolis.fr/) sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

Tous les échanges de décembre sont recensés ici: http://rendezvousdesvases.blogspot.fr/2012/11/liste-des-vases-communicants-en-decembre.html

et saluer ici, comme il se doit, l’immense travail de recension accompli par Brigitte Célérier, sans oublier sa lecture de l’ensemble des vases communicants, à paraître dans les jours qui suivent, sur paumée.


Vase communicant avec Sabine Huynh

Tiers Livre (http://www.tierslivre.net/) et Scriptopolis (http://www.scriptopolis.fr/) sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

Pour l’échange d’octobre, Sabine Huynh m’offre l’hospitalité de son monde scriptorial,  Presque dire comme je l’accueille ici même. Chacun de nous a écrit à partir des images de l’autre, autour de la « terra incognita » des cartes anciennes, mais qui n’est pas la seule « [lingua] ignota » qu’écrire et dire élaborent.

Pour présenter plus avant  Presque dire, je laisse parole aux mots de Sabine : « Peindre avec des couleurs qui n’existent pas, faire vibrer des notes qui se perdent, sculpter des formes imitant le mouvement, faire des films sans paroles, chanter des airs de rien, danser jusqu’à l’essoufflement, écrire jusqu’à l’assèchement… sans jamais parvenir à dire ce que l’on veut vraiment dire. Alors on continue. Ainsi, je suis condamnée à écrire pour presque dire. »

Outre son travail de poète ou de romancière, ses participations à la revue d‘Ici Là  (livraisons 7, 8 & 9 – à venir), Sabine est également traductrice (on peut la lire sur retors.net, ici et  ).

Terra incognita, nos hivers

de là où déraille la voix
et là où le mystère surgit
le vent s’enroule autour
d’une vague ignota

un cœur sombre
dans la touffeur de l’absence
les heures de l’espérance
caduque s’immolent lentement

illusion souvenir qui sait –  si peu
de nos hivers devient poussière
ailleurs même leur sillage s’élargit
chacun de nous – argile inexplorée

aux noyades interminables
terra firma terreur inconnue
désespère
nos pas fantasment

s’enlisent se défont – dense la douleur
démaille la raison
morsures traçant sous la glace
des pièges à mouvements

empreintes abîmées dans la mare
incognitum –  cartographie
de tourbillons tempêtes –  tentation
des galets du lac

où sont tombés les arbres
s’endormir si près d’elle
sans l’atteindre –  voir la rive
sienne –  l’aube levée sur l’eau

un soir d’utopie

texte: Sabine Huynh.

photographies: Jean-Yves Fick.


Vase Communicant collectif « Pour Claude Favre »

A l’initiative d’Ana Nb, qui devait échanger avec Claude Favre pour ce mois de septembre, et en hommage au travail de Claude, j’ai joie à accueillir ici un Vase Communicant collectif à elle dédié.

Pour une lecture plus confortable, les contributions sont téléchargeables ici: Pour Claude Favre (2)

Vrac Conversations , publié en feuilleton du 04 juin 2012 au 06 juillet 2012 est toujours accessible grâce à Poézibao de Florence Trocmé, ici: http://poezibao.typepad.com/files/claude-favre-vrac-conversations-1.pdf

La coopérative d’édition numérique Publie.net propose en téléchargement d’autres recueils de Claude .

Liste des participants:

http://brigetoun.blogspot.fr/ Brigitte Célérier – Paumée
http://www.arnaudmaisetti.net/ Arnaud Maisetti – Carnets
https://jeanyvesfick.wordpress.com    Jean-Yves Fick – Gammalphabets
http://jetonslencre.blogspot.fr/ Danielle Masson – Jetons l’encre
http://www.sabinehuynh.com/index.html – Sabine Huyhn – Presque dire
http://lasuitesouspeu.net/ la suite sous peu – Christian G@RP
André Rougier http://andrelbn.wordpress.com/ les confins
http://sauvageana.blogspot.fr/ – Le jardin sauvage – ana nb
Contributions:

  Pour Claude Favre

 

Vase communicant collectif septembre 2012

 

Les yeux de Claude Favre – Brigitte Célérier

Les yeux de Claude – les yeux de Claude ont repris vie, dit-on – leur souhaitons, leur demandons de lui porter joie.

Les yeux de Claude, la rare, la toujours présente – les mots de Claude, force, violence, et tendresse, et justesse et rire parfois – besoin en avons

Eux, yeux de Claude Favre leur demandons juste l’acuité qu’elle en attend, juste

et mes yeux lisent, entendent:

ça râl’caboche et son branle

ça crac le coeur

et noeuds des yeux dans le

ciel étonnant

et racl d’faces coeur bunker

plus on sait plus des espoirs (Cargaison – Atelier de l’agneau)

Claude Favre, derrière ses mots –résistance, rouge – leur poésie forte, leur violente tendresse

Les yeux, les mots, Claude, suis là lointaine et timide, ne peux qu’essayer de comprendre, vraiment, ne peux que ne pas oser penser pouvoir le ressentir

***

À Claude Favre – Sabine Huynh

lire qu’en juillet la voix les yeux le corps de Claude Favre se sont tus & se dire chère Claude Favre la mer devant vous la mer derrière vous courage Claude Favre dont on ne connaît que la respiration le souffle obstiné la « mal langue » les défis & les dérapages fulgurants

penser à Claude Favre dont on a vu des photos entendu la voix deviné les bracelets monter et descendre sur son bras & dessous les os & se dire que dans leur moelle s’échafaudait déjà le gris du jour où la main a cessé de répondre le visage de sourire la rétine de capter

imaginer Claude Favre fauchée Claude Favre à terre_ du malaise noir plein la tête les cheveux comme un rideau de crêpe tiré sur ses traits fatigués Claude Favre en mémoire muette en bouche fermée sur des plaisirs enterrés vivants roulés en boule en chute libre dans sa gorge sèche

voir Claude Favre à la fois immense & minuscule Claude Favre touchée atteinte éteinte volée vouloir étreindre Claude Favre pour ramener Claude Favre à la voix à la danse à l’illusion s’il le faut comme si l’on détenait un quelconque pouvoir au-delà du vouloir & du croire

savoir que Claude Favre a fichu le camp voir Claude Favre autrement dans l’antichambre immobile Claude Favre harcelée par les tais-toi le visage tourné vers le mur & se demander si lamentations il y a eu si de l’autre côté du seuil on est aussi seul que du côté de la frayeur de vivre

être loin de Claude Favre mais espérer que ces lignes lancées par-dessus les ondes atterriront chez elle écrire « j’irai vous voir demain » en le pensant étirer les doigts les bras le cou jusqu’à Claude Favre jusqu’à la caresse jusqu’au baiser jusqu’au réveil au retour de Claude Favre

aux dialogues avec Claude Favre à ses mots qui s’ébrouent et merdRent gaiement en évacuant le goudron de leur ailes pour l’envolée

***

À Claude Favre – Jean – Yves Fick

quelque   /   du   /   soir   /   l’heure
la   /   voix   /   passe   /   l’ombre
d’une   /  aile  /  inaudible
la   /  nuit   /   s’enracine.

les   /   sources  /   vont   /   rares
au   /   mitan   /   des   /   pierres
l’âpreté   /   des   /   vents
dessine   /   des   /  runes.

un   /   lent   /   brasier   /    – l’étoile
glisse  /  sur  /  l’eau   /   nocturne
le   /   silence  /   dilate
l’obscurité   /  des  /  voûtes.

ni   /   chemins   /  ni   /   pas
d’ici   /   le   /   lieu   /  seuil
à   /  toujours   /   rejoindre
quelque   /  feu   /   aveugle.

le  /   dièdre   /   se   /   clive
où   /  la  /  forme  /    incline
le   /   rêve   /    déferle
le   /   souffle   /   s’emporte.

que   /   le   /    pas   /   délaisse
d’un   /    geste   /   la   /    nuit
une   /   voix   /   diurne
endort   /   les   /   étoiles.

d’où /   sont   /   les  /   visages
la    /   rive   /  les   /   flots –
mais   /   l’eau   /    impassible
reflète   /   cette   /    aube.

***

REPOS DU MINOTAURE – André Rougier
À Claude Favre, sans qui rien n’aurait été comme il est

Ce qui vient:
ruban qui se dévide,
butin furtif,
lent en ses enfances, ruine
que tout ronge et que
rien n’interrompt,
affût des faucons
que le temps toujours
finit par assouvir,
pans, strates et viles
questions pour de bon arpentées,
imbibant toutes poignes,
toutes saisies, toutes infortunes,
et les paupières pliées,
la fièvre veuve, l’âge sans raccord,
l’ombre qu’on mutile,
le regard comme déchu
sous les doigts en sang
de l’accoucheur,
don des rages du retour,
de l’acte comme oubli,
et (même flairant le piège)
de l’obscur plaisir de s’en aller
jusqu’aux bois de passage,
et la tenaille du feu,
tâche à parfaire, toujours,

mais à l’écart, là où
rien, ne fut en vain
forgé et soupesé,
ni la blessure de grandir,
ni la plaie de trop
qui moque, mais ne t’altère ni ne
te discerne

***

« ça me triste » – Danielle Masson

– 1 –

« ça me triste » de ne vous avoir découverte que dans le feuilleton de Poezibao en ce début d’été 2012 !!!!

– 2 –

« ça me triste » de ne pas avoir appris le pluriel des mots en –ou avec vous.

Un bijou ce poème1.

Il m’en reste un caillou dans ma chaussure qui me fait mal de ne pas vous avoir entendu le dire ou le lire, je ne sais le mot approprié.

Mon genou se serait-il plié en signe d’admiration ?

Les hiboux veillent et écoutent eux aussi. Ils sont choux.

Vous avez fait joujou avec les mots conjugués au passé ; ils me vrillent les oreilles.

– 3 –

« ça me triste » de ne pas avoir lu plus tôt votre « pas de titre ni rien ».

J’étouffe.

Je sombre.

Je litanie à bout de mots autant de « es-tu là. » hurlés que vous.

Je mets un ? contre votre ..

Je suffoque à chacun de vos points posés.

– 4 –

« ça me triste » d’être entrée à reculons dans votre Agencement Répétitif Névralgique (ARN) « brûleurs ».

Je ne savais pas quelle page commencer.

L’ordre était-il vraiment si important ?

Les mots sont trop forts.

Ils hurlent dans mes oreilles.

Quelle terre d’asile vous nous tend les bras ?

– 5 –

« ça me triste » de lire et relire « Vrac conversations, ». Il n’est jamais trop tard.

***

En gueuloir & veines saillantes –    Christian — g@rp
———————————

Le chaos n’est pas là où on croit
Mais d’un mot ça saute à l’autre & dans l’espèce d’espace né entre les deux qui pas n’existe,
ce pas, de côté, l’interstice, fracturant le vide du silence de la page, des forces en présence
apparaissent, combat se livrent, avec cri de guerre hallali à l’assaut du son, de la langue, les mots,
l’écho du son des mots de la voix, se heurtent, entre chocs,
croisent le faire jusqu’au jaillissement des étincelles de la – vois ! – langue de guingois
– première impression –
l’avant garde qui jamais ne se rendra
– tordue pour mieux t’écouter lire mon enfant
– deuxième impression –
jusqu’à ce que la langue
d’abord lue en tête à tâtons résonne en voix de l’envers
et contre tout à la fin touche.
Du k.O apparent des mots jaillit alors l’ordre dissimulé
camouflé de la langue en tenue de combat à l’assaut du réel lancée en roquette,
en flammes
avec l’o(r)eil(lle) aiguisé(e) d’un sniper
– shot ! –
tranchant net sec l’épaisseur du quotidien âpre paré de la ouate étouffante anesthésiante administré à la volée en becquetée à moineaux
– nous.
Le chaos n’est pas où on croit, car lui veille –
– shoot ! –
– un jour demain la vie est belle comme une overdose –
– shot ! –
discussions
à bras le corps à haute voix
à prendre
à lire
en gueuloir & veines saillantes

***

Pas le silence Arnaud Maisetti

Pas le silence

(pour Claude Favre)

le cadavre sort par la

langue, c’est quand même

une histoire vraie

le tournis c’est sûr que

pas le silence, c’est sûr

que pas le silence,

C. F.

Dit la langue est matière de vivant, celle qu’on mâche dans la bouche longtemps dans le noir pour pouvoir ensuite, fort, la lancer, parois du monde qui résiste ; dit la langue résiste le monde, l’arrête, ses scandales ses douleurs ses blessures, c’est dans la bouche les mots comme du verre pillé et quand ensuite tu l’ouvres, coulent tant, et tes doigts trempés, à la source pure des lèvres, et la page qui vient s’écrire elle porte cela aussi, qui la nomme, coulure transparente aux amertumes ; dit aussi quand délire le monde ses fables et que soudain on voit, nous, ce qu’on ne verra jamais de nos yeux tus : et les rêves partout qui débordent, les lèvres comme des mains portées sur le noir partout pour l’agrandir, et sur les parois les ongles, qui s’arrachent, y déposent de la peau, ce n’est rien, ce n’est rien, et avance la langue encore pour, encore, arracher la peau morte des murs, les doigts à l’encre sèche reviennent à la bouche pour encore rouge de noir ainsi léchés reprendre la marche, plus loin plus loin ; dit la vie n’est pas ce que l’on nous avait dit, toute cette masse inerte de corps qui dans les rues forment ce caillot de pensées dans le corps inerte du monde amassé partout, il faut bien qu’un vienne et dise : non, ce n’est pas cela, du monde j’en ai le corps plein aussi, et c’est un autre, oui : la langue viendra à sa blessure pour dire : ce n’est pas cela, ce n’est pas cela, parole de vivant ; dit le rêve quand on ferme les yeux possède la même couleur de nuit mais c’est pour mieux la voir, alors la langue s’y enfonce, et parfois plus longtemps qu’une nuit, parfois plus longtemps que deux nuits ; trois commencent l’éternité du réel qui lui résiste ; alors le prix à payer ; dit la vie le prix à payer de la vie, je n’ai pas la monnaie et le froid quand il fait froid, je n’ai pas la monnaie du temps qui passe, dit le corps qui là au milieu de la pièce peut tomber, et se réveille ailleurs, et toutes ces visions de la mort quand on la met au passé ; dit la mort enfin, mais c’est seulement pour ne pas la dire jamais, et dire : parole de vivant puisque l’au-delà n’existe qu’en moi, c’est cela que mon visage porte sur le visage ; dit le visage de mon corps, blessé, mais tenu à bout portant de nous, comme pour nous dire : je dis encore ; dit le monde impossible, son organisation aberrante, un port d’où on ne part pas, juste un quai, le monde comme un quai, et tout ce monde là qui tourne le dos à la mer pour vider les poissons, dit les corps des poissons quand on les vide, comme on viderait le corps et la tête de toutes ses pensées, mais la pensée résiste, et chaque poisson mort entre les doigts porte la mer en lui et son désir, et la rejoindre aussi, masse mouvante sur corps vague qui dérive ; dit la dérive, mot de dérive : s’être retrouvée au bord extrême du vieux monde, et n’avoir rien pour franchir que la langue : la langue franchit, alors ; dit chaque mot dans le noir pour l’enfoncer, et dans la gorge, se dira autre chose que le mot mais parole de vivant, la vie qui insiste, qui ne cesse pas de réveiller le corps même si après être tombé, le corps articule les mots plus lourds, ceux qui demeurent vivent encore plus loin que nous ; alors, dit la langue pour nous dire ce qui au plus profond de la langue vit encore, pour que nous, pauvres de corps et sans la mort pour nous, puissions suivre des yeux la trajectoire de la vie sur la peau morte du monde qui l’invente ; dit après le silence, que le silence est mort, lui aussi, d’avoir été accompli et franchi, et qu’au réveil, la langue puisse dire : pas le silence, et tout ce qui lui résiste, le corps posé au travers de la gorge du monde, pas le silence, jamais

***

play contre play – ana nb

elle jette la langue suppliante – play – elle jette la langue disciplinaire – play – elle jette les lignes les phrases les chapitres  – play – à la gueule ouverte des conclusions sans X

play – contre play- de quel temps sa voix incarnée

elle rapte les signes des abysses – play – street abysses – play –

elle bat l’écriture glorieuse – play – elle bat l’écriture vaillante – play – elle bat toutes les écritures trompeuses – play –

elle porte l’épée dans sa langue elle enfonce les sons hurlés sous ses ongles dans son palais dans la crypte du récit à purger

play – contre play- de quel temps sa voix incarnée

elle rapte l’apesanteur – play – street apesanteur – play

elle abat le roi malheureux –  play – elle abat le procurateur de l’introduction – play – elle abat le lexique captivant – play – elle abat le ciment serré de la  juste syntaxe – play

elle claque sa voix contre les ruines de la confusion  elle trace un cercle les yeux fermés – et au- delà elle brise la lenteur sonore du ciel

elle crache l’air vide – play – elle crache l’air du rien – play elle brise le cercle aux origines brumeuses -play

elle tourne elle tourne elle vacille elle tangue  elle tourne avec la solitude de l’araignée

elle se tient là – elle cache dans ses os dans sa peau dans ses yeux la luz luces lumière

elle capte l’inverse des pierres – play

le corps arrêté de l’enfant – play – dans sa bouche le mot peur -le corps arrêté de l’enfant – play – dans sa bouche le mot faim – le corps arrêté de l’enfant -play – dans sa bouche le mot sommeil – le corps arrêté de l’enfant – play- dans sa bouche le mot froid – le corps arrêté de l’enfant -play – dans sa bouche le mot guerre – le corps arrêté de l’enfant – play – dans sa bouche le mot feu – le corps arrêté de l’enfant – play -dans sa bouche le mot maison – le corps arrêté de l’enfant – play – dans sa bouche le mot soldat -le corps arrêté de l’enfant – play – dans sa bouche le mot cicatrice – le corps arrêté de l’enfant – play – dans sa bouche le mot frontière – le corps arrêté de l’enfant -play – dans sa bouche le mot – musique

play – contre play – de quel temps sa voix  incarnée


Vase communicant avec Louise_Imagine

Tiers Livre (http://www.tierslivre.net/) et Scriptopolis (http://www.scriptopolis.fr/) sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

Pour l’édition de septembre, j’accueille ici le travail de Louise_Imagine, qui m’offre l’hospitalité, en son merveilleux espace Il pleuvra demain. Chacun a écrit sur quatre images proposées par l’autre, sans aucune autre contrainte.

Publie.net propose un regard sur le travail photographique de Louise:  L’Instant-T ,  je ne saurais mieux le présenter que ne le fait Isabelle Pariente-Butterlin: «  Retards, courses, attentes, désespoirs, arrachements, départs, on sent, bien sûr, en arrière-fond, en arrière-monde, tous ces temps-morts, tous ces gouffres possibles au-dessus desquels le regard danse et trouve des éclats de lumière à retenir, qu’on n’aurait pas cru possibles, qu’on n’aurait pas imaginer. Nous ne sommes pas dans un décor. La vie est là, avec sa palpitation qu’on sait tragique dans les volutes sombres d’un nuage d’orage qui ne manquera pas d’éclater. Des fontaines citadines et urbaines lancent leur eau qui va retomber, qui ne retombe pas. Pas encore ».

Autant d’instants de grâce suspendus, comme en leur point pivotal, pivotal et exact, dans l’équilibre instable et précaire, mais toujours mouvant de vivre. Là, juste là. Mais  là. On pourra aller aussi vers les numéros de la revue dIci Là (livraisons 4- 6 – 7) à laquelle Louise participe régulièrement.

Sève.

texte: Louise_Imagine.
photographies: J-Y. Fick

*

Elle glissait les doigts sur la paroi luisante, longeant fissure, à l’endroit même du relief délicat, cherchant textures, nervures, ancrage. Inconsciemment, suivre la ligne fine, cicatrice de ce qui ne sera plus, car la fatigue l’emporte, l’épuisement érode, car il est impossible de toujours lutter.

(Rhizomes épais sous ses pas glissant, elle avançait, cœur noir de forêt claire, humidité dense des sous-bois, au milieu des fougères aux larges frondes élégamment dressées, peu importe le chemin, chaque pas suivant le précédent, chaque pas s’aventurant sans se soucier de retour en arrière, se frayant un frêle chemin entre les nervures luxuriantes. Elle avançait, aérienne, plante de pieds frôlant l’humus, orteils caressant spores rondes et mousse moelleuse. Sa robe, vaporeuse étoffe tissée d’air et de lichen, semblait répondre mollement à chacun de ses gestes, s’accommodant avec grâce au souffle d’un vent imaginaire. À son passage, les feuilles lourdes chargées de sève effleuraient ses longs doigts déliés, déposaient leur rosée sur les mailles de son jupon. Elle avançait et la cascade de sa chevelure rousse resplendissait, nimbée de lumière emmêlée, éclatante dans la verdoyante pénombre. Elle avançait, la nature imprégnait sa présence, chacun de ses gestes, son odeur même, parfum de sève et d’eau de pluie.)

Fêlures, brisures sur le chemin. Sous ses pieds le sol parait se disloquer, fragilité obscène de ce que l’on pensait durer une éternité. La rue qui portait sa marche, cette rue elle-même cède de l’intérieur. Une blessure, profonde, s’étalant au grand jour. Rien peut-être. Un grain de sable, un absurde caillou que l’on n’a pas suffisamment concassé. Une infime résistance et le sol a cédé. Lentement érodé, gêné dans sa structure même, dans l’essentiel de ses fondations. Là, sous ses yeux où les larmes s’amoncellent sans vouloir s’échapper, devant elle, hypnotique, s’étend la faille.


vases communicants avec ana nb

rouge chevauche la terre des sans nom, ana nb –

c’est là
vers là
la plainte suspendue dans le vent
jusqu’à l’éblouissement
sur la terre des sans nom

il voit

les bras enlacés aux herbes vivantes

il entend

la furie des bienveillantes

vers là

des peaux des yeux des cœurs
sur les rides de l’eau
des peaux des yeux des cœurs
sur la pointe vivante des herbes
des peaux des yeux des cœurs
sous le ciel
des peaux des yeux des cœurs
sur le chemin tendu
des peaux des yeux des cœurs
sur les rides rouges de l’eau
des peaux des yeux des cœurs
sous le ciel ample gris
des peaux des yeux des cœurs
sur les brûlures des pierres
des peaux des yeux des cœurs
dans l’air animal

air animal
surgit sur troncs branches cimes
cerne champ chemin cheval colline
domine arbres bleus
éclate langue larmes
saigne ciel nuages oiseaux
arrache paupières masque
profane peau mains corps

rouge chevauche la terre des sans nom

il voit

des bras en arc doigts écartelés
dans l’air des éblouis
des chevelures éteintes
dans l’air des inouïs
des corps étendus aux langues fendues aux langues foudroyées aux langues figées aux langues fouettées aux langues forcées

il entend

la marche fébrile des ombres
il entend le chant mortuaire
disperse ton enfance dans le vent envole toi
disperse les fleurs aux noirs desseins
oublie la danse aimante

il voit

le roi du haut des riens
dans la couleur du jour la couleur de la nuit mêlées
il voit
sang sur sceptre abandonné
il entend
des corps heurtent encore la pointe vivante des herbes

il entend

une voix dans l’illimité obscurité

il voit

la paume nue ouverte

il entend

le silence dans la gorge tranchée

ana nb

Pour qui vient y lire, le jardin sauvage, l’un des (*)  lieux d’écriture d’ana nb, offre une prose rythmée, tendue,  presque toute au questionnement inlassable, presque toute d’inquiétude, mais bruissante tout autant, et riche de foudroyantes lumières. Écriture chorale, aimerait-on à dire, mais qui de plusieurs voix, plusieurs ombres portées ou dites parvient à faire surgir une très belle « lumière noire », toute à l’intensité, toute à sa diction.

Univers d’un nocturne urbain qui se constitue autour de rues, de voix, de pas, d’arbres, de trajets, d’images – les photographies y contribuent elles aussi- et vient prendre forme d’une ville sur les planches qui font théâtre de voix.

(*) et ne pas hésiter non plus à rendre visite ici.

Les échanges de blog à blog en vases communicants se nouent chaque premier vendredi du mois. Vous pouvez en poursuivre la lecture ici.